Et si on chantait Stephan Eicher

Engelberg est resté pittoresque. Petit village touristique situé au cœur des Alpes de Suisse centrale, il n’a quasiment pas évolué au fil du temps, comme si tout s’était arrêté. Engelberg me rappelle tout d’abord des souvenirs d’enfance mais aussi un album de musique sorti en 1991 du nom du même village. Stephan Eicher s’y était retiré dans l’ancien casino, certainement inspiré par la magie et la force brute dégagée par le Titlis. Un des titres phares de cet album très abouti était « Déjeuner en paix », avec comme paroles quelque chose qui m’avait marqué à l’époque. En effet, la chanson débute ainsi: « J’abandonne sur une chaise le journal du matin. Les nouvelles sont mauvaises d’où qu’elles viennent… »

Ce titre a été composé il y a presque 25 ans. Lui non plus n’a pas pris une ride. Rien n’a changé. Tout est comme avant. Nous nous plongeons jour après jour dans les atrocités de notre monde alors que tant de beauté existe. Au niveau économique, nous venons de vivre plusieurs années de totale rémission. Suite à l’éclatement de la bulle immobilière aux Etats-Unis, le système a refusé d’éclater. Les Gouvernements ont sauvé les banques et pris les pertes. Le système demeure surendetté et le phénomène continue de s’amplifier. Grâce à l’argent mis gratuitement par les banques centrales, le monde a poursuivi sa marche en avant. Les taux zéro des dettes n’ont en rien freiné la reprise des affaires et les dettes échues ont simplement été converties en nouveaux emprunts à taux zéro. C’est ainsi que nous avons passé ces 8 dernières années. A ne rien rembourser et à emprunter gratuitement, faisant comme si de rien n’était.

En me concentrant sur mon petit pays, la prospérité a été simplement bluffante. La Suisse n’a pratiquement pas souffert. Bien au contraire, elle a vécu une décennie de plein emploi, vivant quasiment à contresens des pays qui l’entourent. Il est pourtant des signes, maintes fois énoncés sur ce blog, qui ne peuvent plus être cachés. Les horlogers dégraissent à tour de bras et l’immobilier capote sérieusement cette fois-ci. Trop a été construit et le marché peine à présent à absorber le surplus d’appartements. Les prix baisseront ces prochains mois et le chômage touchera de plein fouet le gros œuvre. Alors si je prends ma calculette et que je fais « horlogerie + bâtiment », ben ça donne quelque chose de pas très agréable à se mettre sous la dent.

La Suisse va connaître quelques tourments. C’est ma conviction. Et je ne peux m’empêcher de m’interroger sur le timing de cette phase qui a débuté il y a 6 mois déjà face aux éléments externes. Si la FED monte ses taux (elle s’est récemment fait fusiller par Krugman en personne qui a bien compris que si elle agit en ce sens le chaos est annoncé), que l’Europe presse encore plus la planche à billets en maintenant ses taux à zéro, nous assisterons à une magnifique chasse aux pigeons. La Grande Distorsion est à nos portes et nous, petite Suisse qui commence à peiner, avec une BNS coincée entre deux banques centrales qui appliquent des politiques différentes, eh ben ça va donner du job à M. Jordan et peut-être bien quelques nuits blanches en perspective.

Je ne dis pas que tout va s’effondrer. Mais je pense vraiment que 2016 sera une année très chaotique, avec un risque de grands chocs brutaux à ne pas mésestimer. Il y a très longtemps, mon oncle séjournait avec ses parents dans un magnifique hôtel à Montreux. Et le 31 juillet, à la veille de tirer les feux d’artifice, ce gosse avait dégoté la pièce de l’hôtel qui renfermait les feux d’artifice destinés à être tirés le lendemain. La pièce ne comportait pas de lumière. Mon oncle eut alors la bonne idée de craquer une allumette pour y voir clair. Le résultat? Tous les feux d’artifice sont partis les uns après les autres et l’hôtel a fini par brûler.

Alors en décembre, c’est la FED qui craque l’allumette?

 


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