Marché immobilier: les banquiers font pression sur la FINMA

Puisqu’il n’y a plus rien à dire sur la bourse, que les marchés s’enhardissent toujours plus, que la volatilité n’existe plus, que le bull-market semble indestructible et surtout qu’il ne se passe rien, je choisis de revenir sur un terrain qui m’est familier: l’immobilier.

Petit rappel. Il y a quelque temps. Les grands Sages qui s’occupent de notre bien-être réfléchissaient le plus sérieusement du monde à contraindre tout emprunteur d’allouer le différentiel effectivement payé à la banque et un taux fictif de 5% à la réduction de sa dette hypothécaire. Cette mesure aurait concerné les dettes dépassant le premier rang. Cette mesure a beaucoup fait réagir les banquiers de notre pays et en coulisse, les rencontres entre la FINMA et les principaux acteurs financiers de notre pays se multiplient. Le but? Faire infléchir cette mesure. Les banques craignent-elles quelque chose?

En fait cela ne devrait pas être le cas. Car à l’octroi d’un prêt hypothécaire, la banque est censée calculer de toute façon si le client est bien capable d’honorer une dette à un taux théorique de 5%. Donc vu comme cela, de manière basique, cela ne devrait poser problème à AUCUN client. D’où ma question: mais pourquoi alors les banques tentent-elles de convaincre la FINMA que cette mesure n’est pas nécessaire?

La réalité est malheureusement tout autre. Après la crise de 2008, un grand nombre de clients a fui les grandes banques. Et lorsque je regarde un peu le taux de croissance de la rubrique « affaires hypothécaires » des autres banques, j’en ai froid dans le dos. Une croissance effrénée, parfois à deux chiffres par an, dont personne ne peut juger de la qualité. Pourquoi? Parce que le crédit est presque gratuit. Et tant que les taux ne repartiront pas à la hausse, il ne sera pas possible de déterminer qui aura bien travaillé et qui aura simplement « fait du chiffre ».

En théorie, tous les emprunteurs peuvent donc payer 5% de charges. En théorie seulement. Inutile d’être un druide de pacotille pour constater que les revenus stagnent et que surtout, mais alors surtout, je ne connais pas beaucoup de monde qui réellement vit en tenant compte d’une charge hypothécaire de 5%. Le reste du revenu? Il part en leasing, en voyages, en consommation. Pourquoi s’en priver?

Je rappelle ici brièvement trois constations de base liés au marché immobilier:

  • Les affaires immobilières conclues ces 5 dernières années peuvent simplement être qualifiées de spéculatives. Les acheteurs, quels qu’ils soient, n’ont pas payé leur bien au prix de construction. Mais au prix d’un marché biaisé par la distorsion entre la demande surabondante et l’offre insignifiante. Les promoteurs vous en remercient.
  • Les banques ont bien fait leur travail. Avant l’octroi d’une hypothèque, elles auront pris la peine de vérifier que leur client peut bien s’accommoder d’un taux de 5%. C’est bien. Mais dans les faits, les acheteurs ne payent pas cela puisque les taux du marché sont bien inférieurs. Qu’auront-ils fait de la différence? Se seront-ils serrés la ceinture alors qu’ils n’y étaient pas contraints? Auront-ils épargné ce différentiel ou l’auront-ils dépensé? Je n’oublie pas les années 90 lorsque les banques ont massivement revu les estimations à la baisse. S’en sont suivi des appels de marge. On a vu ce qui s’est passé…
  • Dernier rappel. La majorité des acquéreurs privés prélèvent depuis plus de 15 ans le maximum d’avoirs disponibles de leur caisse de pension pour constituer leurs fonds propres. Sans cette possibilité de constitution de fonds propres, eh bien c’est simple. De marché, il n’y aurait simplement pas eu. Pouf! Et ce sont bien ces personnes-là, qui n’auraient peut-être jamais pu devenir propriétaires sans cette facilité, qui risquent de devoir passer à la caisse si par malheur les banques devaient un jour se rendre compte que le bien acheté diffère de la valeur réelle. Plus qu’à espérer que les emprunteurs auront reconstitué une épargne (celle en fait qu’ils n’ont jamais eue vu qu’ils ont eu recours à leur 2ème pilier) en prévision du mauvais temps.

Bien entendu je peux très bien me tromper et le marché peut très bien se maintenir à ces niveaux encore quelque temps, bien qu’il faiblisse déjà depuis de longs mois. Je terminerai ce billet par une simple simulation. Si je pars du principe que je gagne CHF 100’000.00 par an et que soudainement ma banque me sollicite pour amortir davantage ma dette, et que l’annuité réelle représente dorénavant effectivement le tiers de mon revenu. Le tiers de CHF 100’000.00 nous donne CHF 33’000.00 par an, ou CHF 2’750.00 par mois. Alors je ne sais pas vous, mais moi, avec deux enfants à charge, si je devais allouer CHF 2’750.00 par mois pour me loger, je dois vous avouer que je devrais repenser méchamment mon budget mensuel. Peut-être la raison pour laquelle les banques tannent à ce point la FINMA pour qu’elle se montre conciliante… Peut-être ne serais-je pas le seul à me retrouver en difficulté.


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