C’est agréable de se dire que tout va bien

Cela fait un bout de temps que je me dis que je devrais écrire quelques lignes sur l’immobilier. Mais avant de m’y lancer, je dois dire que je ressens une grande quiétude et que je dors très bien depuis des années. On n’y voit rien sur les marchés. Et en même temps on fait comme si de rien n’était. Les marchés sont aussi intéressants à suivre que de se passionner pour une course de limaces lancées à toute allure sur une salade. On fait comme si de rien n’était, comme si tout allait super bien, comme si rien ne pouvait arriver. Le monde est dirigé par un fou qui change d’humeur et d’avis toutes les 30 secondes et on s’en fout complètement. On le laisse beugler dans son coin et je crois que ses adversaires prennent même du plaisir à le voir prendre des décisions complètement irrationnelles. C’est encore mieux qu’une série télé mais sans abonnement à NetFlix.

Les marchés sont comme une bulle de savon qui flotte dans l’air. De toute façon, il n’y a rien d’autre à faire que de rester « dedans ». Les intérêts sont, restent et resteront au plancher. Tout le système fonctionne grâce au crédit gratuit et à la planche à billets. En Suisse UBS vient de décider qu’elle ne rémunérerait plus du tout l’épargne. C’est zéro pourcent. En clair, les banques sont devenues un mal nécessaire. Elles ne servent plus à rien, si ce n’est de servir de passe-plat. Si chacun de nous pouvait ouvrir un compte directement auprès de la BNS ça enlèverait tous ces intermédiaires qui ne servent à plus rien, si ce n’est nous ponctionner des commissions pour tout et rien. D’ailleurs et au vu de la politique d’UBS, je pense que je vais demander à mon patron de revenir au bon vieux temps et de me payer en cash à chaque fin de mois. Ensuite j’irai demander aux PTT de me refourguer un carnet jaune de récépissés et j’irai refaire mes paiements sans frais au guichet. Ensuite je boucle mon compte salaire qui ne me sert à plus rien.

Quant à l’immobilier c’est la grande débandade à présent. Les journaux tentent de nous faire croire, à coup de grandes interviews d’experts de toute la branche, que la Suisse se trouve en mode « soft landing ». C’est très rassurant de croire à cela. Cette théorie à deux balles ne tient qu’à une condition: le niveau des taux. Tant que tout est à 1%, on ne risque rien. Donc on y est pour un bon moment encore. Seulement il y a un hic dans tout cela, un gros nuage qui risque de tout foutre en l’air, un peu comme quand vous invitez un gros St-Bernard à se faufiler entre deux commodes pleines de vaisselle. Et le gros hic s’appelle surconstruction. Depuis plus de 10 ans, nous construisons à peu près partout en Suisse, mais pas aux bons endroits. Les régions qui auraient dû être densifiées ne l’ont pas été suffisamment. Et celles qui n’auraient pas dû voir un seul immeuble construit ont vu des immeubles pousser sans relâche. En clair, nous offrons de l’habitat où personne ne veut vivre sur le long terme. Alors ça marche à peu près tant que c’est neuf, mais dans 10 ans on réfléchira bien différemment. Et comme les villes refont peu à peu leur retard en matière d’offre, il est à parier que ceux qui ont fait le choix un jour de penduler referont exactement le chemin inverse.

Les promoteurs ont construit là où ils pouvaient encore obtenir du terrain. Et les gens ont décidé d’acheter, ou de louer, car non seulement ils ne trouvaient plus rien en ville, mais car ils pouvaient se le payer. En fait on assistera au même phénomène que dans les banques. Pendant 20 ans elles étendent leur réseau de succursales, et ensuite elles ferment à peu près tout sauf le siège central. Pour ensuite refaire le chemin inverse. C’est un peu comme les pattes d’éph, ça revient à la mode tous les 10 ans. Sauf que là, dans les villages, ça va être plus compliqué. Delémont ne deviendra jamais Genève et Täuffelen ne ressemblera jamais à Zürich. Il existe les centres, qui ont toujours existé, et la périphérie. Et la périphérie restera toujours la périphérie ! Qui a déjà vu une Seat recevoir la même considération qu’une Ferrari ?

Les rendements immobiliers s’effondrent toujours davantage, suivant la courbe des taux qui continue de pointer vers le bas. Avec les taux négatifs qui vont bientôt assassiner l’épargne de chacun, je vous parie un très grand voyage au bout du monde que les banques vont bientôt offrir des intérêts à ceux qui choisiront d’emprunter chez elles. En fait je crois de plus en plus que l’on n’a encore rien vu et que ce délire profond de fuite en avant a encore de beaux jours devant lui. En attendant on se rendort. Les mouettes piaillent, les années passent et rien ne change. On continue de construire où personne ne demande rien.


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