Il était une fois un gentil petit pays (appelons pays de l’Abondance), qui un jour décida tout seul unilatéralement qu’il souhaitait devenir grand. Jusque-là tout le monde est d’accord. L’ambition fait partie de la nature humaine et elle est saluée.
Au bénéfice d’une entité dirigeante entreprenante, inventive et surtout corrompue, avec des structures étatiques défaillantes, avec une absence totale de contrôle, avec encore une économie sous-terraine représentant 50% du PIB, ce gentil petit pays de l’Abondance décida un jour que plutôt que de faire le ménage chez lui, de rétablir des structures, il serait plus simple d’emprunter de l’argent pour grandir.
Et ce gentil petit pays s’est mis, au fil des ans, a toujours plus emprunter sur les marchés. Ainsi ronronna-t-il durant des décennies. Les recettes sont en baisse? Les coûts sociaux en constante augmentation? On s’en fout! Il suffit de disposer de cash pour nouer les deux bouts. La dette? Tout le monde sait qu’elle ne sera jamais remboursée. Et comme nous pouvons emprunter gratuitement, que nos créanciers sont compréhensibles, que les taux sont bas et qu’une banque centrale est disposée à fournir de la liquidité aux banques pour qu’elles puissent acheter nos dettes, il n’y a vraiment pas de quoi s’inquiéter. Tout ira bien et jusqu’à la fin des temps.
Tel est le monde merveilleux (actuel) dans lequel nous vivons. Nos Etats sont pourris. Mal gérés. Ils ne fonctionnent plus qu’à condition que des billets soient imprimés quelque part dans le monde. Et la question que tout le monde se pose: mais peut-on vivre ainsi longtemps? Car finalement, à situation claire, logique implacable non? Regardez. Un pays émet un emprunt. Et pour l’acheter, on imprime les billets qui permettront de l’acheter et en plus, on fixe les taux à zéro pourcent. C’est magique non?
De ce point de vue-là, Krugman a raison. Il faut faire plus. Emprunter plus. Laisser les taux à zéro. Perpétuer le cycle. Favoriser la croissance. Creuser l’endettement. Rembourser la dette? Mais ça sert à quoi? Puisqu’elle est gratuite et que les budgets sont bouclés grâce à la planche à billets. Seulement Krugman devient vieux. Donc peut-être qu’il ne pense pas trop aux générations futures. Chacun se fera sa propre opinion. L’Etat n’a pas les moyens du citoyen. Car le citoyen, cela fait longtemps qu’on lui aurait fait… la morale… et qu’ensuite on l’aurait mis sur les fesses!
Et avec la Grèce l’Europe va décider quoi? Lui demander d’enfin tenir un registre cadastral avec un objectif temps à 30 ans? C’est ce que veut Tsipras si j’ai bien compris. Il ne veut pas d’argent dit-il. Mais du temps. Il va sans dire. Pour entreprendre des réformes « de fond ». Donc des réformes qui permettraient de dire qu’enfin la Grèce est gérée comme un pays normal, hors Moyen-Age, avec une vraie économie. Avec un peuple qui se dirait enfin qu’il ne sert à rien d’ouvrir un 37ème bar à café sur une rue de 500 mètres. Avec un peuple qui se prendrait à se dire qu’il ne sert à rien de rester assis sur une chaise en tentant d’offrir au chaland son 36ème café de la matinée… Ben non, comme ça, c’est difficile de faire du business.
Tsipras est compétent. Varoufakis un surdoué de l’économie. Le temps joue pour eux pour faire passer tout ce qu’ils souhaitent. Car leur pays est cette fois-ci au bord du gouffre. Et c’est tout à leur avantage. Reste à savoir si Schäeuble voudra bien les entendre. Alors bien sûr les torts sont partagés. L’Allemagne a bien profité du flou de cette zone euro qui ne fonctionne pas, au détriment d’autres pays. Mais peut-on l’en blâmer? Car jusqu’à preuve du contraire, personne n’a jamais obligé la Grèce à s’endetter. C’était en fait comme en Suisse au début des années 1990 avec l’effondrement du marché immobilier. On a critiqué les banquiers. Ces vilains banquiers qui ont trop prêté à de braves emprunteurs. Mais les emprunteurs, ils avaient choisi d’emprunter non? Reste que dans la mémoire des gens, ce sont bien les banques qui sont responsables de l’effondrement du marché immobilier. Et maintenant, si la Grèce tombe, ce sera les Allemands qui seront les bourreaux. Comme ça c’est toujours facile.
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