Immobilier : la grande lessive peut commencer

| Billet invité | Une bulle immobilière en Suisse était quelque chose d’impensable il y a encore quelques mois, n’est-ce pas? Et pourtant l’UBS l’annonce depuis plus d’un an, timidement je le reconnais, ménageant le choux et la chèvre. Mais à présent, la décrue a débuté et le frémissement d’une grande souffrance pour la Suisse. Les taux se redressent. La BNS et le Conseil fédéral essaient d’envoyer un message au peuple en prenant de petites mesures pour dire: « Attention, le ciel s’assombrit! » Le décalage est cependant manifeste. Comme à l’éclatement de chaque bulle, qu’elle soit de n’importe quelle nature, personne ne veut rien voir. On fait comme si… et de manière complètement irrationnelle.

Les promoteurs ont beaucoup de souci à se faire. Ils arrivent sur le marché avec des objets souvent de haute qualité. Ils répondent aux souhaits d’une classe moyenne avide de luxe qui souhaite pouvoir « faire comme si ». Une classe moyenne qui se saigne au boulot, qui cumule deux emplois par ménage, et qui croit à tort qu’ainsi elle parvient à rejoindre la catégorie des bien portants. Ce qui a changé, c’est justement cela. La classe moyenne, laminée par tant d’années de stagnation salariale, ne peut simplement plus se payer des objets qui sont devenus simplement hors de prix. Madame travaille déjà depuis longtemps. Alors que faire pour augmenter le revenu du ménage? Salarier les enfants? L’offre est donc bien présente. Les acheteurs existent. Mais ils ne peuvent plus payer. Quant aux prix de location demandés pour des appartements neufs, je n’en parlerai même pas, tant ces derniers sont devenus dissuasifs. En fait, c’est un peu comme si les promoteurs tentaient de faire fuir leur clientèle. Un comble.

Le niveau des loyers est également devenu complètement aberrant, ceci en termes de logements anciens. Qui de vous accepterait de payer une salade 10 francs? Ce d’autant plus si elle est passée de date et toute flétrie. Souvent mal rénovés dans des bâtiments non assainis, les appartements anciens se louent pourtant à prix d’or. En fait, c’est un peu comme si l’on acceptait de payer une Golf âgée de 20 ans au prix d’une neuve… Que feront nos aînés d’ici à quelques années? Eux dont le pouvoir d’achat fond comme neige au soleil. Comment paieront-ils leurs loyers?

Vous ne me croyez pas? Reprenez ce billet devant les yeux d’ici à quelques mois. L’immobilier est parfaitement prévisible. Il suffit d’y apposer un regard lucide. 15 ans de croissance ininterrompue. 15 ans de hausses de prix. 15 ans de construction d’édifices dans des endroits ne présentant souvent aucun attrait. 15 ans de financements hilarants de la part des acteurs financiers à des personnes qui pour la plupart n’auraient jamais dû devenir propriétaires. 15 ans de camouflage de couvertures par des établissements financiers qui se basent sur des estimations immobilières étalonnées sur le prix d’achat, et non sur la valeur réelle du bien. Petit rappel à l’attention des financiers peu scrupuleux qui conseillent le peuple suisse: lors d’une estimation d’un bien immobilier, l’élément le plus important à prendre en considération n’est pas le prix du bien proprement dit. Mais la situation de l’objet! Car en temps de crise, et peu importe l’état de vétusté d’un bâtiment, il existera toujours un marché pour les objets bien placés.

Et lorsque les banques décideront de réviser la valeur de nantissement des biens à la baisse et de constituer des provisions, ce sera le début de la débandade. Car d’ici à quelques années, il y aura énormément d’objets sur le marché qui présenteront des décotes allant de 30 à 40% selon le type de bien immobilier. Beaucoup de bonnes affaires à saisir pour ceux qui se seront montrés patients…


Commentaires

1 réponse à “Immobilier : la grande lessive peut commencer”

  1. Avatar de Marinette Schmitt
    Marinette Schmitt

    Merci pour cet article. Alsacienne, ma soeur ayant travaillé 41 ans en Suisse, je suis un peu sensibilisée à la Suisse. Ce que vous dites ici est valable aussi chez nous, en France. Votre qualité, c’est l’usage des comparaisons qui remettent l’église au milieu du village: le prix de la salade, le prix d’une vieille voiture au prix du neuf. Un langage concret, pertinent.
    Depuis que la bulle se dégonfle chez nous, je suis moins près de mes sous, je recommence à me faire plaisir. La bulle m’avait littéralement tétanisée à ce point de vue: j’économisais sou à sou pour espérer un jour pouvoir loger mes garçons, jeunes (plus si jeunes) adultes dont l’un est chargé de famille. Ces bulles sont des hontes, des insultes au sens commun. Spéculation éhontée, égoïsme à courte vue. Mais que demander de plus au commun des mortels?

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